La BD québécoise n’attend que vous #1 : Michel Rabagliati

Vous le savez peut-être, c’est sur un beau plateau d’argent que le Québec nous avait été livré, lors de la Foire du livre de Bruxelles, en février dernier. En effet, en tant qu’invité d’honneur, il nous avait fait parvenir une bonne quarantaine d’auteurs et d’illustrateurs, tous issus de sa meilleure cuvée. À l’époque, en papillonnant de tables en tables, j’avais découvert des artistes de talent avec un coup de crayon bien à eux. Éternelle retardataire et procrastinatrice invétérée, j’avais négligemment rangé mes notes prises sur le vif, en me disant qu’un jour viendrait où je vous parlerais de ces petites pépites. Je vous annonce que ce jour est enfin arrivé. Mieux vaut tard que jamais. Olé.

Pour vous, j’ai sélectionné trois auteurs québécois de bande-dessinée qui valent vraiment le détour, chacun à leur manière. Aujourd’hui, j’aborderai le plus célèbre des trois. L’incontournable. Le seul. L’unique Michel Rabagliati, que j’ai eu la chance de rencontrer lors de la Foire.

Michel Rabagliati - Crédits : Plumes de C.

Michel Rabagliati – Crédits : Les Ponctuelles

Depuis plusieurs années, la BD québécoise semble avoir trouvé son domaine de prédilection en exploitant les récits de la vie quotidienne. Les illustrateurs se détournent volontairement de la vie tumultueuse des héros de guerre ou des super héros, pour aborder celle des Monsieur et Madame Tout-le-monde : une musicienne atteinte de dépression, une petite fille victime d’harcèlement, ou un couple de petits vieux qui attendent de mourir. Même si leur façon d’aborder l’histoire ou leur manière de chatouiller le papier ne se ressemble pas, ces dessinateurs se retrouvent sur certains points. Le dessin, bien qu’il possède une signature unique pour chacun des auteurs, a ceci de commun : il se présente toujours de façon assez naïve, voire enfantine, et se trouve bien souvent exempt de couleurs. Les artistes refusent souvent – et à raison – d’être catalogués dans un quelconque mouvement artistique, mais il me semble que l’on pourrait tout de même les associer aux initiateurs de la « ligne claire ». Mais si, je suis certaine que ça vous dit quelque chose. Il s’agit d’un langage graphique né des oeuvres d’Hergé. Chaque objet, chaque élément du décor est délimité par un trait noir, net et unique, dans un rejet de réalisme.

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Du point de vue de l’intrigue, on comprend aisément pourquoi ce genre de bande dessinée plaît tellement. Les Monsieur et Madame Tout-le-Monde, c’est nous, c’est notre vie, et ça nous parle qu’on soit Belge, Français ou Québécois. Rabagliati se voit comme une sorte de romancier. Chaque volume de Paul s’étale sur une bonne centaine de pages, et il n’est pas nécessaire de suivre un ordre particulier pour les lire : à chaque album, son histoire. De plus, les thématiques sont universelles. On retrouve successivement les colonies de vacances dans Paul a un travail d’été, le deuil dans Paul à Québec, ou encore le chômage et la fausse couche dans Paul à la pêche. Et puis, comme aime le rappeler Rabagliati, « c’est une série assez familiale, ‘y a pas de cul, ‘y a pas de sexe, ‘y pas de violence. Ce sont des relations humaines. »  Et ces relations humaines, Rabagliati les exploite avec talent. Il parvient à toucher ses lecteurs sans tomber dans le sentimentalisme, et à amuser sans avoir recours à un humour pesant. Il dépeint la vie montréalaise avec une justesse surprenante. Le temps où l’image du Québec se limitait au trappeur et à l’orignal est désormais bien loin : place à la métropole, aux buildings, et au franglais. Selon Rabagliati, cela explique en partie la popularité de la série au Québec, car au delà du récit personnel de Paul, c’est l’histoire d’une génération québécoise qui nous est contée, des années soixante à nos jours. Et « le Québécois aime qu’on lui montre son reflet », rappelle-t-il amusé. Il ajoute que chez nous, un Européen pourrait très bien lire cette série en guise de préparation avant d’atterrir en Nouvelle-France. Il aura d’emblée un bon préambule de l’histoire de cette région, des relations humaines, des paysages locaux, mais aussi de la langue.

© Editions de La Pastèque - Rabagliati

© Editions de La Pastèque – Rabagliati

Vous devriez pouvoir vous fournir votre dose de Paul dans la plupart des librairies spécialisées en BD. Courez, vous me remercierez plus tard.

Si je ne suis toujours pas parvenue à vous convaincre des bienfaits de cette série sur votre santé mentale – oui, oui, carrément -, sachez qu’un film Paul à Québec devrait sortir incessamment sous peu : dès le 18 septembre au Québec. Pour la Belgique, il faudra attendre un peu plus longtemps. Le film sera projeté du 2 au 9 octobre, lors de la 30e édition du Festival du film francophone de Namur. Une bonne occasion pour (re)découvrir l’univers de Paul.

La bande-annonce du film, c’est cadeau :

Restez connectés pour découvrir les deux bédéistes suivants ! Moins connus que Rabagliati, ils méritent tout autant leur part du gâteau dans le petit monde de la BD ! 🙂

Québequement vôtre,

Charlie