Béatrice & Bénédict : et Coco découvrit l’opéra

Lorsque vous annoncez au commun des mortels que vous étudiez la littérature française – ou que vous projetez de travailler dans le monde de l’édition -, les stéréotypes vont bon train. On vous imagine intellectuelle, des livres s’amoncelant dans le moindre recoin de votre appartement. Et quand vous buvez un bon rouge, c’est systématiquement en vous balançant sur l’échelle de votre bibliothèque (bon, c’est peut-être le seul point positif de l’histoire). Evidemment, vos activités sont elles aussi victimes des plus vils clichés : vous n’aimez que le cinéma d’auteur et passez bien plus volontiers vos vendredis soirs à l’opéra qu’autour d’un Whisky-Coca…

Et bien c’est, non sans une once de regret, que je m’apprête à briser vos idées préconçues. Je vous l’annonce solennellement : moi, Coco, étudiante en littérature, je tuerais pour un Disney le samedi matin. Je ne rate pas une saison de Danse avec les stars. J’aime le cinéma d’auteur, mais aussi les comédies romantiques (ah, cette chère Bridget !). Je me délecte des Nombrils comme d’un Balzac. Le vendredi, je me couche bien plus tard que l’épisode de Louis La Brocante. Parfois, je vais au théâtre. Mais moins souvent que je ne me repasse les épisodes de Friends. Et jamais, au grand jamais, je ne m’étais rendue à l’opéra.
Non parce que je redoutais d’être enfermée dans le cliché de l’intellectuelle, entendons-nous bien. Si ce monde me fascine depuis toujours, je n’avais simplement jamais eu l’occasion d’y mettre un pied. Alors, quand Charlie m’a annoncé que, cette fois, c’était à moi de vous parler “opéra”… j’ai sauté de joie. Et une seconde plus tard, j’ai paniqué. Mes oreilles ont beau être grandes, elles ne sont pas assez affutées que pour vous décrire avec précision les prouesses de ces virtuoses.
Et puis, je me suis rendue à l’évidence. Vous mêmes n’êtes peut-être jamais allés à l’opéra. Mettons, qu’en effet, vous n’y soyez jamais allé : je possède désormais une merveilleuse longueur d’avance.

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Guide de survie d’un novice à l’opéra

Règle n°1 : Soyez chic mais pas guindé.
Vous avez booké deux places pour la représentation de ce soir mais vous n’avez pas de costume trois pièces sous la main ? Vous avez prêté votre haut-de-forme et vous êtes démuni de votre monocle ? Pas de panique. L’attirail so XIXe siècle n’est plus de mise. Et, promis, vous ne vous ferez pas refouler à l’entrée si, par malheur, vous oubliez de cirer vos chaussures.

Règle n°2 : Ne vous fiez pas aux apparences.
Si le bâtiment austère de l’opéra vous rebute de prime abord, la Monnaie se charge d’elle-même de briser les codes pour cette nouvelle saison. Bon, involontairement, certes : le théâtre est actuellement en restauration mais… l’idée est là. Adieu aspect guindé et fioritures architecturales d’un siècle passé. Le nouveau “Palais de la Monnaie” vous accueille provisoirement… sur le parking de Tour&Taxis !
Ne vous attendez toutefois pas à un ciné-parc à l’américaine ou à une tente de foire aux boudins. Vous êtes, tout de même, à la Monnaie, que diable ! C’est donc en voiturette qu’on vous emmène dans le nouvel antre de l’opéra.

Règle n°3 : À l’heure vous serez !
À l’opéra, on est à l’heure… ou on n’est pas. Vous pensiez bénéficier d’un quart d’heure académique ? Malheureux !
Dès que la sonnerie retentit, déposez votre verre, sortez des toilettes, attrapez votre chéri(e) au vol : vous êtes attendus à votre place. Rangez votre GSM et oubliez le popcorn, le spectacle va commencer.

Règle n°4, et ce sera la dernière : Ouvrez grands les yeux… et les oreilles !

Béatrice et Bénédict 

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Ecrit par Hector Berlioz, cet opéra-comique est librement inspiré de Much ado about nothing (comprenez, “Beaucoup de bruit pour rien”), une des comédies les plus populaires de Shakespeare. Librement inspiré, puisque Berlioz centre initialement son oeuvre sur deux personnages secondaires, Béatrice et Bénédict.
Et c’est encore de manière tout à fait libre que Richard Brunel, le nouveau venu dans le giron des metteurs en scène “monnaiens”, outrepasse Berlioz… pour revenir au plus près de l’esprit shakespearien.

Unique tentative du genre et dernière oeuvre achevée du compositeur, l’opéra nous conte l’histoire de deux êtres que tout oppose et que, paradoxalement, tout le monde veut unir.
Le premier acte s’ouvre sur une Sicile dévastée par la guerre. Les soldats ne tardent pas à rentrer au pays, victorieux et on retrouve, parmi eux, Claudio et Bénédict. Le premier est promis à Héro, cousine de Béatrice. Le deuxième, est libre comme l’air, n’hésitant pas à courtiser la première venue. Fatigué de son comportement, toute la troupe décide de provoquer le destin en insufflant à Bénédict l’idée que Béatrice l’aime éperdument. De son côté, Béatrice se voit poussée, par sa propre famille, dans les bras de l’irrésistible Bénédict. Mais pourront-ils résister au destin et à l’acharnement de leurs proches ?

Crash test d’une novice

Si vous désirez goûter pour la première fois aux saveurs de l’opéra, Béatrice et Bénédict est très certainement celui qu’il vous faut. D’une part, parce que les interprètes sont tous francophones, facilitant la compréhension de la trame de narrative. Qu’on se l’avoue, il est bien plus aisé d’apprécier un spectacle en français plutôt qu’en allemand sous-titré.
D’autre part, parce que la trame narrative est elle-même limpide. Rien de plus aisé que de comprendre que x doit aimer y, et inversement. Nous sommes loin des cinq sous-couches de rêves d’Inception… Et pour le coup, c’est tant mieux !

Bien sûr, les spécialistes en la matière trouveront toujours à redire sur l’acoustique (qui, disons-le, n’est pas exceptionnelle au demeurant mais peut être imputée à l’installation provisoire qui accueille le spectacle), sur la mise en scène ou même sur la réécriture de Richard Brunel. Toutefois, la novice que je suis a su apprécier la dynamique des tableaux et le minimalisme efficace des décors, réutilisés de scène en scène à des fins différentes (parce que pour transformer une garde-robe en table de banquet, il faut tout de même maitriser l’art du DIY).Notons aussi, et surtout, les prouesses vocales des interprètes et, tout particulièrement, de Michèle Losier (Béatrice), Sophie Karthäuser (Héro) et Eve-Maud Hubeaux (Ursule). Aussi bien dans les parties jouées que dans les parties chantées, elles ont su me transporter, nourrissant d’allégresse et mon oreille et mon esprit. Ce fut tout particulièrement le cas lors du duo nocturne (séquence 5, “Vous soupirez, Madame?”), véritable coup de cœur de ma soirée.

Si cet opéra n’est déjà plus à l’affiche à l’heure où vous me lisez, le programme de La Monnaie s’annonce tout aussi alléchant pour les représentations à venir. Notons que la prochaine production sera le Mitridate, Re di ponte de Mozart suivie, et nous l’attendons tout particulièrement, du plus iconique des barbiers : Sweeney Todd de Stephen Sondheim.
Qui a dit que l’opéra ne savait pas nous toucher en plein cœur ?

Informations et réservations

Vous désirez de plus amples informations ? Rendez-vous sur le site de La Monnaie !

Novicement vôtre,

Coco