Du sable entre les pages!

S’il y a bien, en été, un indispensable à glisser entre les lunettes de soleil et la serviette de bain, c’est, sans conteste, un bon bouquin. En effet, quoi de plus agréable que de faire bronzer ses gambettes, un verre de mojito à la main, les yeux courant sur le papier? Généralement, je les préfère bien épais, histoire de tenir la quinzaine. Exit, toutefois, les Balzac et les Flaubert: les classiques, c’est l’hiver. Ainsi calée dans mon canapé et emmitouflée dans une grosse couverture, j’apprécie d’autant plus la plume de ces grands hommes.
Dès lors, j’ai jeté mon dévolu sur deux petites perles d’eau douce qui vous feront oublier les parties de beach volley et les séances d’aquagym: La couleur des sentiments de Kathryn Stockett et Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates d’Annie Barrows & Mary Ann Shaffer.

La couleur des sentiments, Kathryn Stockett

 

Remarqué chez mon libraire lors de la rentrée littéraire 2010, époque à laquelle je ne pouvais m’offrir ces beaux ouvrages à peine parus, ce n’est qu’à sa sortie en livre de poche qu’il eut l’immense chance de se retrouver au sein de ma bibliothèque. Durant des années interminables, j’ai donc trépigné d’impatience à l’idée de découvrir cette histoire qui sut charmer nombre de lecteurs et d’amoureux du grand écran.

Occupée par des dizaines de livres l’année, ce n’est que cet été que j’ai pu m’octroyer une pause bien méritée de bouquinage personnel.

Paru dès 2009 dans les bookshops américains, La couleur des sentiments connait un succès sans appel et multiplie les ventes. Kathryn Stockett, l’auteure, y plante le décor au sein de sa ville natale, Jackson, en pleine période de ségrégation raciale aux Etats-Unis. Et c’est peut-être bien là que se cache la clé de son succès: au sein de ce sujet sensible, souvent évoqué mais rarement traité avec tant de justesse.
En effet, c’est dans son histoire personnelle et sa relation avec sa propre bonne qu’elle puise l’inspiration nécessaire à un tel chef-d’oeuvre.

Outre la familiarité du sujet, là où les autres choisissent une narration simple, Kathryn Stockett, elle, préfère un schéma narratif triple offrant, de cette manière, la voix à trois personnages éclectiques et touchants: Aibileen et Minny, deux bonnes noires, mais également Miss Skeeter, une blanche résolument prête à briser tous les silences. Séparées par d’aberrantes lois raciales, c’est dans le besoin de vérité que se trouveront liées trois personnes que tout opposait.

En effet, suite à la disparition inexpliquée de sa bonne, Constantine, Miss Skeeter décide de poser, sur papier, l’histoire de ces femmes de l’ombre mais aussi les maux et les traitements qui leur sont infligés par la société blanche de Jackson. D’abord aidée par Aibileen, c’est secrètement, loin des regards de ses proches, que Skeeter Phellan accumule les témoignages. Mais la vérité a un coût et, surtout, une couleur.

J’aime:

  • le sujet sensible traité avec émotions mais surtout justesse par l’auteure (oui, mon coeur d’artichaut m’a fait verser quelques larmes sur le sable) ;
  • la plume magnifique et magnifiquement rendue par la traductrice, Jacqueline Chamblon ;
  • l’organisation du roman autour de trois axes narratifs qui permettent de découvrir, alternativement et avec leurs propres mots, trois personnes particulièrement attachantes ;
  • les touches d’humour qui parsèment tout de même l’ouvrage du premier au dernier chapitre.

En bref:
ON CRAQUE l’été prochain (ou plus tôt encore) pour ce roman dont les six cents et quelques pages n’auront de cesse de vous estomaquer et de vous émouvoir.

PS: Avoir vu le film n’est pas une excuse, bande de petits joueurs!

Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, Annie Barrows et Mary Ann Shaffer

Un chouia moins percutant que l’ouvrage précédent, c’est toutefois avec une main légère que l’on tourne les pages de ce beau roman épistolaire.

Lu il y a plus de quatre ans et paru en 2012 chez Robert Laffont, c’est avec grand plaisir que j’ai redécouvert, les pieds dans l’eau cette fois, les aventures des amateurs d’épluchures de patates du cercle littéraire de Guernesey et de Juliet, jeune écrivaine londonienne.

Tout juste sortie de la seconde guerre mondiale, Juliet, qui signe ses dernières chroniques d’Izzy Bickerstaff s’en va en guerre, cherche déjà le sujet littéraire d’après-guerre qui fera mouche.
C’est par hasard qu’un habitant de Guernesey reçoit alors un livre ayant appartenu à la londienne: la remerciant au sein d’une lettre qui se révèlera être la première d’une longue série, ce mystérieux inconnu suscite progressivement l’attention et l’amitié de Juliet.

De fil en aiguille, c’est avec de nombreux habitants de l’île, dont les lettres ne tarissent pas d’anecdotes insolites et d’histoires émouvantes, que la belle finit par correspondre.

Animée du désir de rencontrer ses correspondants amateurs de tourtes aux épluchures de patates et d’en savoir davantage sur Elizabeth, cette mystérieuse fondatrice du cercle littéraire, Juliet décide de poser ses bagages sur la terre iodée de Guernesey.

C’est armée de sa plus belle plume qu’elle découvrira les lourds secrets que la guerre a laissés dans son sillage mais aussi, et surtout, qu’elle verra sa vie bouleversée par des personnes plus attachantes les unes que les autres.

J’aime:

  • le style épistolaire qui donne le dynamisme nécessaire à la trame narrative, idéal pour un bouquin d’été ;
  • l’authenticité des sentiments et des émotions que l’on retrouve au fil des lettres ;
  • les personnages drôles et touchants (on aimerait tous les avoir pour amis, sauf une!).

En bref:
Un magnifique roman épistolaire plein de fraîcheur, prédestiné à la lecture sur le sable par sa saveur iodée et sa lecture aisée : il se lit d’une traite, comme une longue épluchure de pomme de terre qu’on espère ne pas rompre.

Littératurement vôtre,

Coco