Gallmeister, des pépites de littérature américaine.

Pousser la porte d’une librairie, feuilleter les nouveautés, s’enivrer du parfum des livres tout juste déballés. Voilà l’un des bonheurs du quotidien qui me manque le plus.

Pas une semaine ne se passe d’habitude sans que je flâne dans l’une d’entre elles, que ce soit pour le travail ou pour mon plaisir personnel.

Pas une fois, non pas une seule, je ne ressors sans un achat. Faible je suis, faible je resterai face aux livres (et à la bouffe… et aux fringues, mais c’est un autre débat !).
Là où se situe la prouesse, c’est certainement dans l’art de faire des choix. Comment ai-je fait pour privilégier un livre et pas l’autre ? Qu’est-ce qui a titillé mon regard, ma curiosité ? S’il s’agit probablement d’une multitude de facteurs qui s’offrent une bataille sans merci dans mon pauvre petit cerveau, je peux vous assurer qu’un d’entre eux est ma sensibilité pour la conception graphique. Le fait de rendre beau (et donc attirant) un ouvrage. Et si certaines grandes maisons d’édition comme Gallimard avec sa « collection blanche » ou Grasset et sa typo vert sur fond jaune se reconnaissent de loin sans toutefois déchainer les passions en termes d’esthétique, il est une maison d’édition qui sort clairement du lot pour le moment : Gallmeister.

Créée en 2005, cette relativement jeune maison d’édition a décidé de mettre en avant un type de roman encore peu répandu en francophonie : le « nature writing » (une certaine observation de la nature mêlée de considérations autobiographiques), avec le souhait de parler d’une autre Amérique. De raconter des histoires qui se déroulent loin des paillettes de Los Angeles et des lumières de New York. Gallmeister, c’est l’éditeur de « l’Amérique grandeur nature ».

En 2010, il lance une collection « semi-poche » appelée TOTEM. On y retrouve des classiques oubliés du genre comme des rééditions de textes déjà publiés par Gallmeister. « Semi-poche, qu’est-ce donc ? » me direz-vous… Et bien c’est une très bonne question ! 

Soucieux de se démarquer du lot et du « mass-market », l’éditeur a choisi d’imposer un nouveau format. Plus grand que les formats poches traditionnels (ils ne rentrent pas dans les présentoirs prévus à cet effet) mais plus petits que les livres que publiait cette maison jusqu’alors.. et donc moins cher (environ 10€).

Si les libraires jouent le jeu, ce format est pensé pour être disposé sur une table qui leur est expressément dédiée. Et pour s’en assurer, Gallmeister mise tout sur le graphisme. Autant le dire, leurs nouvelles couvertures sont tout simplement sublimes.

Je vous laisse juger par vous-même de la beauté des nouvelles éditions, tout en vous dressant un petit top cinq des romans à glisser dans votre pile à lire… Des pépites tant par le fond que par la forme !

Dans la forêt, Jean Hegland (1996)


Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours présentes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, remplie d’inépuisables richesses.

Gallmeister

À moins que, justement, vous ayez élu domicile dans la forêt, ce roman n’a pu vous échapper. Adapté au cinéma en 2016, la traduction française ne parait qu’en 2017, soit 21 ans après sa première édition… et il n’a pas pris une ride. Pas de blâme toutefois si vous ne l’avez pas vu passer, il est toujours temps de vous rattraper (mais après, vous n’aurez plus d’excuse, hein !).

Ce roman d’anticipation initialement publié en 1996 n’aura jamais été aussi actuel. Il nous conte l’histoire d’une société technologiquement dépendante dont l’effondrement demande de réinventer notre rapport à la vie, à la nature et même à notre futur. En somme : devenir des robinsons des temps modernes. L’histoire amène évidemment à une réflexion globale sur notre société et notre mode de vie, donnant lieu à un huis-clos forestier teinté de collapsologie. Aussi savoureux que saisissant ! 


My absolute darling, Gabriel Tallent (2017)

À quatorze ans, Turtle Alveston arpente les bois de la côte nord de la Californie avec un fusil et un couteau pour seuls compagnons. Mais si le monde extérieur s’ouvre à elle dans toute son immensité, son univers familial est étroit et menaçant : Turtle a grandi seule, sous l’emprise d’un père charismatique et abusif. Jusqu’au jour où elle rencontre Jacob, un lycéen blagueur qu’elle intrigue et fascine à la fois. Poussée par cette amitié naissante, Turtle décide alors d’échapper à son père et plonge dans une aventure sans retour où elle mettra en jeu sa liberté et sa survie.

Gallmeister

C’est le roman qui a fait grand bruit en 2017 aux États-Unis. Et quel phénomène ! Si la narration et le style si particuliers m’ont, de prime abord, empêchée de me glisser complètement dans l’histoire, ce premier roman du jeune écrivain virtuose n’en demeure pas moins une véritable prouesse. Ce récit vous enlève dans les États-Unis profonds, au sein d’une famille survivaliste. Le récit d’une enfant tentant désespérément d’échapper à l’emprise on ne peut plus toxique de son père. C’est haletant, addictif, révoltant de la première à la dernière page.
Si vous aviez aimé La vraie vie d’Adeline Dieudonné (chef-d’œuvre de la littérature belge de ces dernières années), vous adorerez My absolute darling. Et inversement.


Mon désir le plus ardent, Pete Fromm (2014)

Maddy s’était juré de ne jamais sortir avec un garçon du même âge qu’elle, encore moins avec un guide de rivière. Et puis elle rencontre Dalt, et plus rien ne compte. À vingt ans, Maddy et Dalt s’embarquent dans une histoire d’amour absolue et explosive. Mariés sur les berges de la Buffalo Fork, dans le Wyoming, ils vivent leur passion à cent à l’heure et partent créer leur entreprise de rafting  dans l’Oregon. Très vite, ils décident de fonder une famille. Mais l’enfant qu’ils désirent de tout leur cœur tarde à venir. Un jour, alors que Dalt est en expédition en Mongolie, Maddy apprend une nouvelle qui bouleverse son existence.

Gallmeister

Pete Fromm dépeint ici tout le courage et la détermination d’un jeune couple dont l’amour ne pourra être altéré, ni par l’attente destructrice de la maternité ni par la maladie qui s’immisce en silence.
Le tour de force réside surtout dans la manière qu’a l’auteur de saisir avec brio le caractère d’une femme aussi déterminée qu’insubmersible. Un amour ardent, sculpté par les courants, qu’aucune rivière tumultueuse ne pourra éteindre.


Sukkwan Island, David Vann (2008)

Une île sauvage du Sud de l’Alaska, accessible uniquement par bateau ou par hydravion, toute en forêts humides et montagnes escarpées. C’est dans ce décor que Jim décide d’emmener son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d’échecs personnels, il voit là l’occasion de prendre un nouveau départ et de renouer avec ce garçon qu’il connaît si mal. Mais la rigueur de cette vie et les défaillances du père ne tardent pas à transformer ce séjour en cauchemar. Jusqu’au drame violent et imprévisible qui scellera leur destin.

Gallmeister

Articulé en deux parties autour de ce fameux drame, le récit s’apparente presque, par sa construction, à l’Illiade puis à l’Odyssée. Si ce voyage initiatique partait d’un bon sentiment, le manque cruel de préparation dont il pâtit va vite le transformer en cauchemar, révélant les failles humaines les plus sombres. Et finalement, qui de la nature ou de l’homme s’avère le plus hostile ?


Le Gang de la clé à molette, Edward Abbey (1975)

Révoltés de voir le somptueux désert de l’Ouest défiguré par les industriels, quatre insoumis décident d’entrer en lutte contre la “Machine”. Un vétéran du Vietnam accro à la bière et aux armes à feu, un chirurgien incendiaire entre deux âges, sa superbe maîtresse et un mormon nostalgique et polygame commencent à détruire ponts, routes et voies ferrées qui balafrent le désert. Armés de simples clefs à molette – et de quelques bâtons de dynamite –, ils doivent affronter les représentants de l’ordre et de la morale lancés à leur poursuite. Commence alors une longue traque dans le désert.

Gallmeister

Le Gang de la clé à molette est une truculente satire du capitalisme. Il y a quelque chose de presque cinématographique dans l’écriture d’Edward Abbey, qui nous emmène dans ce road-trip insolite de marginaux destructeurs. Leur cible première ? Tout élément construit par l’Homme qui gâche la nature. Leurs armes ? Tout ce qui leur passe par la main, du bâton de dynamite à la simple mais efficace clé à molette. Si les personnages nous semblent fous, c’est peut-être la société elle-même qui est la plus aliénée. Une lecture effrénée et tout bonnement jouissive !

Je ne sais si vous connaissiez déjà les éditions Gallmeister (d’ailleurs, si oui, dites-moi quel est votre titre préféré de la collection !) mais je ne peux en tout cas que vous conseiller de commander l’un de leurs titres via les nombreux libraires indépendants (belges ou français) qui livrent pour l’instant ou de foncer les découvrir dès la réouverture des librairies !

Livresquement vôtre,

Coco